Située à quelques encablures de Briouze, dans le bocage, cette petite église date du XIVème siècle... Une perle !
Voici le récit d'une membre de l'association du lieu :
"LA REDECOUVERTE DE LA PETITE EGLISE DE MEGUILLAUME :
Je vais pour ma part vous parler de l’église, que l’on connaît tous, à laquelle nous sommes attachés, mais qui mérite qu’on la regarde de près et qu’on la comprenne.
J’ai eu la chance de travailler au cours de mes études avec Nicolas Gautier, l’ancien architecte des bâtiments de France de l’Orne. Il a plusieurs fois répété :
« On ne trouve que ce que l’on cherche ». Cette phrase peut paraître étonnante, mais elle a beaucoup de sens.
En 2018 en France, il n’est plus guère possible de faire des découvertes « à la Indiana Jones », en poussant du lierre du revers de la main et découvrant des monuments ne figurant sur aucune carte, inconnus de tous et qui se révèlent formidables.
Ce pouvait être valable au XIXe siècle mais hélas plus maintenant. Aujourd’hui, le vrai potentiel de trouvailles archéologiques se trouve dans des bâtiments anciens, qui nous entourent, des bâtiments que l’on regarde à peine à cause de l’habitude, qui sont simplement dans le paysage. Ces bâtiments ont pu être agrandis, partiellement détruits, rehaussés, couverts d’un enduit ou dissimulés sous un appentis.
C’est dans la redécouverte de ces bâtiments que réside le vrai gisement de découvertes patrimoniales. L’église de Méguillaume illustre parfaitement cette situation.
On dit qu’avec des « si », on mettrait Paris en bouteille. Eh bien c’est ce qu’a fait ici la population locale, réunie en association autour du projet de restauration et de mise en valeur de l’église.
Ils se sont dit « et si… il y avait des décors peints ? ». Grâce à l’intervention de Servanne Desmoulins, Ils ont cherché, aidé par des spécialistes. Et ils en ont trouvé. Des vrais décors peints, avec un vaste registre décoratif se développant sur l’ensemble des élévations, un soubassement en faux appareil surmonté de deux frises de rinceaux, des faux appareils
polychromes autour des baies.
Ils se sont dit « et si…. La charpente était intéressante ? ». Et elle l’était. En retirant le lambris moderne, les poutres de renfort, les réparations, les cales et moises, a été découverte une charpente médiévale intacte, à chevrons formant fermes, fine et régulière.
Ce qui vaut pour ces éléments vaut pour beaucoup d’autres : en retirant le lierre sur le pignon, a été découverte a baie centrale de ce qui est un triplet sur le pignon, une grande composition de trois baies.
Regarder de plus près les barreaux de fenêtres a permis de comprendre qu’il s’agit en réalité de barlotières, ces structures métalliques destinées à porter des panneaux de vitraux.
Ces études ont ensuite été complétées par une étude dendrochronologique, qui est l’analyse fine et minutieuse des cernes des bois, permettant d’en donner la date d’abattage de l’arbre. Cette étude a permis de donner la date de construction de cette église, à l’été 1383.
Cette datation permet de situer les observations architecturales dans leur contexte : à la fin du XIVe siècle, une église dans une zone rurale et modeste comme ici présente une architecture différente, dont plusieurs exemples subsistent. Nous avons des constructions plus trapues, des élévations relativement basses, des constructions peu larges.
L’église de Méguillaume est différente, elle présente des élévations droites et planes, des baies appareillées avec des pierres finement taillées. Une charpente élancée et fine, des dimensions confortables. Elle développe des décors peints ambitieux, qui parent l’ensemble des murs de l’église. Nous avons ici une construction qui démontre la maitrise technique de son concepteur.
Mais pas que… Lorsque l’on regarde de près les décors peints, il est possible de les rapprocher de grands ensemble décoratifs romans, donc antérieurs de plus de deux cents ans, dans la Manche ou dans le Calvados, notamment à Saint-Jean le Thomas dans les années 1100. Le dessin de la charpente est une copie conforme de la charpente du chœur de la cathédrale de Bayeux datée des années 1220, ou celle de la nef de la cathédrale de Rouen datée des années 1210 / 1220.
Nous avons donc une construction non seulement maitrisée d’un point de vue technique mais également une construction savante, réalisée par un constructeur érudit, qui connaît ses classiques, qui a visité les grands monuments de l’architecture religieuse normande des années 1100 / 1200. Il a conçu ici une église rurale et modeste, mais qui fait référence à des procédés constructifs, des formes et des styles volontairement « rétro », issus de la grande architecture normande.
Il faut rappeler que l’architecture normande, au XIIe et au XIIIe siècle, constitue le nec plus ultra de l’architecture. Les constructeurs de la France entière viennent voir les grands monuments normands, l’abbaye de Lessay, les cathédrales de Coutances, Bayeux, Rouen, l’église Saint-Etienne de Caen, pour les copier, s’en inspirer. C’est grâce à Saint-Etienne de Caen que les grandes cathédrales de France ont une façade à trois travées et deux grandes tours.
Se référer aux grands modèles normands a un sens particulier, ce n’est pas juste un goût du constructeur pour une mode locale.
Ces caractéristiques en font une église précieuse à deux titres. Elle est atypique d’une part, grâce à son architecture non pas issue de la mode de son temps mais basée sur les modèles savants passés. Par ailleurs, elle est l’une des rares églises médiévales de la région à n’avoir pas été détruite au cours du XIXe siècle pour être remplacée par un bâtiment plus grand.
Pour conclure, dans cette église, on a cherché, et on a trouvé. Le travail de tous a permis de renouveler la compréhension et la présentation de cette église. Sur la base de ces études, un projet de restauration et de mise en valeur a pu être établi.
Ce projet a permis de restaurer les murs, les charpentes et d’engager la restauration des décors peints.
Une seconde phase doit désormais être menée pour permettre l’achèvement de la restauration des décors, et la réalisation de vitraux."