Le 16 octobre 2018, la première journée de visite pastorale se déroulait sur le pôle missionnaire du pays de Flers
La découverte de Flers-Agglo le matin, puis des communes nouvelles l’après-midi, ont permis à Mgr Habert d’appréhender, par-delà la complexité de l’organisation territoriale, les enjeux du vivre ensemble dans les territoires ruraux.
Les territoires qui maillent notre pays ne cessent d’évoluer : cantons, intercommunalités, communes nouvelles, changements de dénominations. La première journée de visite pastorale de Mgr Habert en monde rural était pour lui l’occasion de mieux comprendre ces évolutions et le fonctionnement qui en découle.
Soumis à un cadre législatif contraignant et changeant, les élus rencontrés, dans la diversité de leurs situations, ont fait montre d’une réelle passion pour leur territoire et de leur souci de faciliter le vivre ensemble. Tous sont à la recherche d’un point d’équilibre entre deux nécessités contradictoires : s’unir pour être plus efficaces et mieux reconnus tout en gardant le maximum de proximité avec les administrés.
Quel que soit leur mandat, ils doivent parfois prendre rapidement des décisions engageant leur territoire, avant même que les habitants n’aient pris conscience.de leur intérêt.
A final, les problématiques de gouvernement des territoires ne sont peut-être pas si éloignées de celles d’un diocèse : tension entre regroupements inéluctables et exigence de proximité ; lenteur parfois à comprendre et accepter les décisions prises à l’échelon territorial supérieur…
Flers Agglo : réaliser ce que les communes ne peuvent pas faire seules
Créée en 1994 (12 communes, 28 000 habitants) sous le statut de communauté de villes, Flers Agglo compte aujourd’hui 42 communes et 55 000 habitants. « Nos compétences portent uniquement sur ce que les communes rurales ne peuvent pas faire, précise Yves Goasdoué, président. C’est pourquoi nous ne nous occupons ni de la voirie ni des écoles ». Et de décliner les principaux domaines dans lesquels intervient la communauté d’agglomération : aménagement du territoire (urbanisme, cours d’eau, environnement) ; économie ; transports ; eau et assainissement ; petite enfance ; culture ; démographie médicale… L’extension récente du territoire de Flers Agglo, même si certains découpages ne sont pas cohérents (c’est la commission départementale qui tranche !), était rendue nécessaire par la Loi (seuil de 50 000 habitants). Elle permet d’être mieux prise en compte pour le financement de ses actions.
Pour les trois élus de communes membres présents, l’adhésion à l’agglo apporte une aide importante pour évoluer, un confort dans les services administratifs et la conduite de projets. Elle permet aux maires de se rencontrer plus souvent. Mais il faut du temps pour que la population en ressente les effets bénéfiques. « Ce qui nous préoccupe d’abord, ce n’est pas l’opposition ville/campagne, mais l’opposition entre lieux de vie sociale et lieux sans vie sociale. Il nous faut d’abord identifier ces derniers pour agir ».
Communes nouvelles : concilier proximité et mutualisation
Trois communes nouvelles se sont créées depuis 2015 dans la Bocage nord de l’Orne. : Tinchebray Bocage (fusion de 7 communes), Athis Val de Rouvre (8 communes), Montsecret-Clairefougère (2 communes). A Tinchebray, six représentants de ces trois collectivités ont témoigné de leur expérience devant Mgr Habert. Chacun aurait aimé que sa communauté de communes devienne, par la fusion de toutes ses communes membres, une seule et même commune nouvelle. L’unanimité n’ayant pu se faire dans ce sens, seules les communes motivées se sont regroupées, avec le double intérêt des incitations financières (maintien des dotations de l’Etat, prévues en forte baisse pour les communes non regroupées) et de mutualisations bénéfiques pour tous. Fusionner les communes, ce n’est pas les effacer définitivement, et la volonté demeure intacte de garder la proximité et de conserver les noms historiques. L’attachement à la commune tend à se relâcher : « Aujourd’hui, on observe de plus en plus de mouvements des habitants d’une commune à l’autre. La vie des gens est liée à leur travail plus qu’à leur commune ».
Dans son travail parlementaire, Jérôme Nury, député, s’il regrette les écarts importants de dotations entre intercommunalités, garde le souci de la proximité ; il milite pour un encouragement aux regroupements, mais sans obligation. « L’évolution des territoires, remarque-t-il, ce n’est pas fini ! »
Deux rencontres symboliques
Bien qu’en dehors du thème des territoires, le partage du déjeuner par Mgr Habert avec des producteurs engagés dans des circuits courts et sa visite à la société coopérative Bois Bocage Energie à Chanu s’inscrivent dans des dynamiques d’écologie intégrale.
A table le midi, ils étaient cinq, deux femmes et trois hommes, autour de Mgr Habert pour rendre compte de ce qui les motive comme agricultrices ou agriculteurs engagés dans des circuits courts de commercialisation. « J’ai toujours voulu transformer ma production, et choisi de l’écouler localement », précise Jacques, de la « Halte paysanne » à Saint-Georges des Groseillers, en écho à Romain, du magasin « Au pré de ma ferme » à Briouze, qui souhaite « se réapproprier le métier, vendre lui-même son produit, savoir pourquoi et pour qui il travaille ».
Tous soulignent la richesse du lien avec les consommateurs et l’intérêt de travailler en réseau d’agriculteurs pour progresser dans le travail. Plusieurs sont engagés en agriculture biologique, avec la satisfaction de « donner la possibilité aux gens de manger à la fois local et bon ».
Dans un tout autre domaine, celui de l’énergie, la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) Bois Bocage Energie s’inscrit dans une démarche écologique : exploiter durablement la haie bocagère et la valoriser en bois déchiqueté vendu comme combustible. Pour Laurent Nevoux, technicien, une telle structure s’imposait dans l’Orne, département de France le plus riche en haies. « Elle contribue au maintien du bocage et fournit en proximité un combustible de qualité à prix stable ». Sur le plan humain, la SCIC présente l’intérêt de regrouper cinq catégories de membres : producteurs, clients, collectivités, salariés, partenaires. Les particuliers ne sont pas les seuls clients, et la SCIC approvisionne aussi des chaudières de logements sociaux, d’écoles, de maisons de retraite. Une visite rapide à l’Ehpad de Chanu permettait au terme de la rencontre de voir concrètement une chaudière et son alimentation automatique en bois déchiqueté.
Gérard Huet